DIALOGUES SCHIZOPHONIQUES AVEC LOUIS WOLFSON
En 1970 paraissait chez Gallimard Le Schizo et les langues de l’Américain Louis Wolfson. En français et à la troisième personne, le texte autobiographique décrit l’effort de Wolfson, qui s’y désigne comme « le psychotique » aussi bien que comme « l’étudiant en langues étrangères », pour se protéger de sa langue maternelle, l’anglais. De la psychose découle l’élaboration d’un procédé fascinant de traduction visant à la fois à détruire la langue première et à en conserver la trace tant sémantique que phonétique dans un « étranger » mêlant français, allemand, hébreux et russe.
Le livre connut un large écho critique dès sa parution, mobilisant Gilles Deleuze, Raymond Queneau ou Michel Foucault. La publication, en 2009, du Dossier Wolfson, revenant sur l’histoire de la publication du Schizo et reprenant des textes critiques majeurs, atteste d’une certaine continuité dans l’intérêt porté à l’auteur ; l’essai de bibliographie de Maria Eugenia Uriburu publié en annexe du Dossier confirme d’ailleurs l’importance du Schizo dans l’histoire des idées.
Qu’avait donc encore à nous dire Le Schizo et les langues ? Le présent ouvrage ne se veut pas tout à fait un addendum à une réception critique déjà longue et riche. L’association LETAP, qui en est à l’origine, se donne pour objet de croiser des approches théoriques et artistiques ; le « Projet Wolfson » a donc donné lieu à un travail théâtral de mise en voix du texte, La Forge, et à ce livre. Il présente des études émanant de champs universitaires différents et strictement consacrées au texte, mais aussi des réactions plus libres, qu’elles soient plastiques, cliniques ou critiques. Le propos se veut donc dialogique : il y a ce que Wolfson nous dit, et puis ce qu’il nous évoque et qui nous emmène vers des comparaisons variées, avec des pratiques (thérapeutiques, dramatiques) et des terrains (sociologiques, géographiques) qui s’en nourrissent, avec enfin les dessins d’Anna Schlaifer qui s’en inspirent superbement.
Chloé Thomas
Illustrations d’Anna Schlaifer
Les images qui enluminent ce livre (fut-ce sombrement) sont plus que des illustrations ; le travail d’Anna Schlaifer, né d’une lecture précise et passionnée du Schizo, possède en lui-même une portée critique qui lui est propre. Derrière d’apparents griffonnages, on découvre le palimpseste ; la langue que l’on veut effacer et qui impose sa trace, brouillant tout message pour se manifester dans sa brutalité, qui est aussi sa vitalité infinie.
Don’t trip over the wire est une mise en voix du texte Le Schizo et les langues de Louis Wolfson, dans lequel « l’Étudiant schizophrénique », avatar autobiographique de Wolfson, ne supporte pas l’anglais, surtout quand elle sort de la bouche maternelle. New-yorkais de naissance, il met en place un système de transposition des vocables anglais en français, russe, allemand, yiddish, basé sur la proximité phonétique ou sémantique. Fragments à trois voix, Don’t trip over the wire laisse entendre la puissance créative de ce texte spontané, bancal, inventif, arborescent. Corps entravés, refus de l’incarnation : seul le rythme fait mouvement.
Une pièce de Romain Pellet,
avec Marie Astier, Juliette Drigny et Jean Massé.
Don't trip over the wire...
sera joué au Triton le 18 février 2017
Elle a été présentée sous le nom de La Forge les 21 et 22 mai 2016 à l'ENS Ulm
Don't trip over the wire...
Conception graphique : Jules Vaulont.
Typographie : Larish Neue (Radim Pesko).
Papiers : Olin, Regular, blanc naturel, 90 g et Curious Skin, grège, FSC®, 180 g (couverture).
Pour citer cet ouvrage : Juliette Drigny, Sandra Pellet et Chloé Thomas (éds.), Dialogues schizophoniques avec Louis Wolfson, Paris, Éditions L'Imprimante, 2016.